La Chine contrôlera-t-elle la production industrielle mondiale?

La Chine va-t-elle rayer l’industrie mondiale (et française) de la carte?

Cette question est devenue très pertinente ces dernières années, et la réponse influencera certainement vos investissements.

Les succès de la Chine sont extraordinaires

D’un pays qui produisait à peine, et encore moins exportait, de biens industriels il y a cinquante ans, la Chine est aujourd’hui devenue la puissance industrielle la plus importante du monde.

L’année dernière, ce pays représentait près de 30 pour cent de l’industrie manufacturière mondiale. Plus du double de celui de l’Union européenne et des États-Unis, chacun représentant environ 15 pour cent de l’industrie manufacturière mondiale.

Les succès ne sont pas seulement quantitatifs.

La Chine est également devenue le leader technologique dans un certain nombre de secteurs.

Dans le secteur des panneaux solaires, la Chine a accaparé la quasi-totalité de la production mondiale.

Certains craignent que cela n’arrive également aux batteries, aux véhicules électriques et à d’autres secteurs de haute technologie.

Ces succès spectaculaires de la Chine soulèvent la question de savoir si la Chine finira par absorber l’ensemble de l’industrie manufacturière européenne, ne nous laissant que des miettes.

Nous resterons pauvres et orphelins.

Scénario apocalyptique?

Je crois qu’il y a plusieurs raisons pour lesquelles ce scénario apocalyptique ne se réalisera pas.

Premièrement, il n’est pas dans l’intérêt économique de la Chine de vouloir tout produire.

Je base cela sur la théorie des avantages comparatifs. Celle-ci a été développée il y a deux cents ans par David Ricardo et reste d’actualité aujourd’hui.

Supposons qu’à un moment donné, la Chine soit meilleure que l’Europe et l’Amérique dans tous les secteurs industriels. Par mieux, j’entends qu’elle propose des produits moins chers et/ou plus attractifs dans tous les secteurs que l’Europe et l’Amérique. (Je ne pense pas que ce sera un jour le cas, mais supposons…)

Est-il dans l’intérêt économique de la Chine de vouloir tout produire? La réponse de Ricardo fut négative. Ce qui compte, a-t-il dit, ce ne sont pas les avantages absolus (dont la Chine bénéficie dans mon exemple) mais les avantages comparatifs. Il y a des secteurs dans lesquels les Chinois ont un plus grand avantage sur nous que dans d’autres secteurs. Ils sont peut-être meilleurs dans tous les domaines, mais dans certains secteurs, ils sont bien meilleurs que dans d’autres.

Ce sont ces avantages comparatifs qui comptent.

Il sera dans l’intérêt de la Chine de se spécialiser dans la production où elle possède les plus grands avantages comparatifs. Cela leur générera plus de revenus que s’ils produisaient tout.

Cette théorie implique qu’il y aura toujours suffisamment de secteurs dans lesquels nous pourrons nous spécialiser et que le commerce avec la Chine sera bilatéral.

Les Chinois pourraient reprendre toute la production mondiale de batteries et de voitures électriques, mais nous pourrons fabriquer des produits pharmaceutiques. Il n’y a également aucune raison de penser que fabriquer des batteries est supérieur au développement et à la production de vaccins.

Mais, diront les critiques, le gouvernement chinois ne se préoccupe pas principalement d’intérêts économiques mais d’objectifs géopolitiques. Peut-être cherche-t-il à dominer le monde en détruisant notre capacité industrielle. Je doute que ce soit le cas, mais supposons que telle soit la motivation du gouvernement chinois.

Il y a au moins deux raisons pour lesquelles une telle stratégie géopolitique échouera

Si la Chine produit tout, nous n’avons rien à lui offrir en échange des produits qu’elle nous vend. Cela crée un énorme excédent commercial pour la Chine et des déficits tout aussi importants pour l’Europe et l’Amérique.

Ces déficits doivent être payés et nous le faisons en contractant des dettes envers la Chine. Dans ce scénario, les dettes s’accumulent et deviennent insoutenables. La Chine se retrouvera alors aux prises avec des revendications sur l’Europe et l’Amérique qui deviendront sans valeur. À un moment donné, les Chinois doivent accepter les importations de ces pays, sinon ils ne pourront plus exporter eux-mêmes.

Une deuxième raison pour laquelle la stratégie chinoise consistant à vouloir tout produire ne réussira pas est qu’elle conduira inévitablement au protectionnisme. L’Europe et l’Amérique fermeront simplement leurs frontières. En fait, ils y travaillent déjà. Plus la Chine tentera d’attirer l’ensemble de l’industrie, plus elle se heurtera à des contre-mesures protectionnistes.

Une telle stratégie chinoise ne réussira donc pas. Il restera encore beaucoup  d’opportunités dans le paysage industriel de l’Europe et de l’Amérique.